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« La vente directe au prix de gros des médicaments réduirait notablement le déficit des assurances maladies. Il n’y aurait même plus de difficultés financières dans les caisses. » déclarait Edouard Leclerc au journal La Croix... le 7 décembre 1957 !
L'histoire de l'enseigne est ponctuée de déclarations similaires. Il faudra cependant attendre 1981 pour que l’enseigne passe du discours aux actes et effectue ses premières commandes auprès de laboratoires pharmaceutiques.
Les apothicaires étaient à l’origine une catégorie de marchands de drogues végétales, comme les épiciers qui vendaient des épices, les pebrarii qui vendaient du poivre ou les aromatorii qui vendaient des aromates. Les marchands d’épices et de drogues médicinales s’appelaient d'ailleurs indifféremment épiciers ou apothicaires. Autrement dit, les apothicaires étaient de simples marchands... « boutique » et « apothicaire » ont d’ailleurs la même étymologie.
C’est essentiellement pour gagner son indépendance face aux médecins et aux épiciers, mais aussi pour défendre ses privilèges et prérogatives que la profession s’organise en corporation aux XVIème et XVIIème siècles. En 1777, grâce à une déclaration royale, la séparation entre épiciers et apothicaires est enfin effective. Cependant, la Révolution française, avec le décret d’Allard et la loi Le Chapelier mettra un terme aux corporations et autres organisations professionnelles.
En 1941, le régime de Vichy rétablit les corporations. Cette organisation sera conservée après la Libération : l’ordre des pharmaciens, créé en 1945 réglemente la profession et l’ouverture des officines. La liste des marchandises vendues uniquement en officine est dressée par un arrêté du 8 décembre 1943, confirmé le 3 décembre 1958 par un arrêt de la Cour de Cassation.
Dès ses premières déclarations, Edouard Leclerc affirme vouloir s'attaquer au monopole des pharmaciens. Il conteste d’une part la vente exclusive en pharmacie d’un certain nombre de produits qui ne sont, selon lui, pas des médicaments, d’autre part les ententes sur les prix entre les laboratoires et les officines. L’absence de concurrence dans ce secteur aboutirait à des prix considérablement élevés. Cette dénonciation s’intègre parfaitement dans le discours global d’Edouard Leclerc, devenu celui de l’enseigne, qui fait de la défense du consommateur le moteur de son action.
Quand il lance l'offensive, au début des années 1980, le Mouvement E. Leclerc est en fort développement et le secteur constitue une promesse de croissance. Les ménages français consacrent, en effet, une partie de plus en plus large de leur budget à l’hygiène et à la santé et le marché global de la parapharmacie est estimé, en 1988, par M.-E. Leclerc à 36 à 46 milliards de francs.
Enfin, malgré la victoire socialiste aux élections présidentielles de 1981, les idées libérales ont largement progressé dans les années 1970, face la crise du modèle keynésien de croissance des Trente Glorieuses et aux avancées de la construction européenne.
Tous les produits de type crème hydratante, gommage etc., qui ne sont pas des médicaments, étaient pourtant traditionnellement vendus dans les officines. C’est d’abord à ce type de produits que l’enseigne va s’attaquer.
En 1981, le Galec, le groupement d’achat du Mouvement, contacte plusieurs laboratoires pharmaceutiques (Roc, Pierre Fabre, Ducray…) afin de commander des produits d’hygiène et des cosmétiques. Il essuie, auprès de chacun d’eux, des refus de vente et contourne la difficulté en s’approvisionnant à l’étranger grâce à des appels d’offre passés dans de grands quotidiens nationaux européens. Cette stratégie permet au centre E. Leclerc de Dammarie-les-Lys, inauguré le 22 février 1984, de disposer d’un rayon parapharmacie. Les centres de Levallois-Perret et de Boulogne-Billancourt suivront le mouvement dans les semaines qui suivent.
Simultanément, pour faire baisser le prix de ces produits dans les officines, Edouard et Michel-Edouard Leclerc parviennent à convaincre, en novembre 1984, une pharmacienne de Montaigu de proposer des prix Leclerc sur ses articles de parapharmacie. Il s’agit d’introduire de la concurrence entre les pharmacies en brisant le système de prix imposés par les laboratoires. La pharmacienne de Montaigu sera condamnée par le conseil de l’Ordre des pharmaciens à deux ans d’interdiction d’exercer.
Les fabricants et les syndicats professionnels intentent une dizaine d’actions juridiques contre le centre de Dammarie-les-Lys, devant les juridictions civiles et pénales, affirmant leur droit à une distribution sélective auprès de vendeurs agréés. En mars 1985, après plusieurs décisions d’incompétence des tribunaux, la Cour d’appel de Versailles, s’appuyant sur le droit européen, juge que « l’interdiction de la distribution sélective résulte clairement de l’article 85-7 du Traité de Rome » et déboute la société Biotherm qui revendiquait le droit de ne commercialiser ses produits que par l’intermédiaire de ses distributeurs agréés. De son côté, la commission de la concurrence, organe indépendant créé en 1977, se saisit du dossier et rend public en mars 1986 le rapport Lepetit dans lequel elle condamne les prix imposés et propose des sanctions contre les ententes entre les laboratoires et les pharmacies. Son successeur, le Conseil de la concurrence, fera de même en 1987 et la Cour d’appel de Paris interdira, elle aussi, aux fabricants de ne vendre leurs produits qu’aux officines, le 28 janvier 1989.
Simultanément, l’enseigne va chercher à commercialiser des produits vendus exclusivement en officine, qui, sans être tout à fait des médicaments, sont considérés comme pouvant avoir une incidence sur la santé : l’eau oxygénée, la vitamine C, les plantes médicinales, les autotests (tests de de grossesse…), les préservatifs, le lait maternisé… La classification ou non en tant que médicaments de ces produits soulève un débat tant parmi les acteurs politiques que dans l’opinion publique. En septembre 1986, la ministre de la santé Michèle Barzach, met en place une commission de la parapharmacie, présidée par P. Cortesse, et chargée de trancher la question. En janvier 1987, la commission rend son rapport sans être parvenue à définir des critères pertinents permettant de distinguer médicaments et produits "frontière".
Sur ce terrain, l’enseigne est précédée ou suivie par les autres distributeurs : par exemple, les magasins Carrefour et Leclerc proposeront en même temps de la vitamine C à leurs clients, tandis que c'est Mammouth qui prendra l’initiative pour le lait maternisé. Faute de législation globale, claire et cohérente sur ces produits « frontière », la commercialisation de chacun d’entre eux donnera lieu à des actions judiciaires spécifiques dont certaines se concluront par des victoires de la grande distribution sur les syndicats de pharmaciens : droit de vendre de la vitamine C en octobre 1986 (la question du grammage donnera cependant par la suite lieu à une jurisprudence abondante), de l’eau oxygénée en décembre 1986, de l’aspartam en janvier 1987… Autant de produits qui viendront grossir les rayons Parapharmacie des hypermarchés.
En 1989, l’enseigne E. Leclerc innove en ouvrant la première parapharmacie en France.
A un contexte favorable – la signature de l’Acte unique européen en 1986 qui prévoit l’avènement du marché unique à l’horizon 1992 – s’ajoute une communication efficace. En effet, après l’insertion d’encarts dans les quotidiens nationaux en mars 1985 plaidant son combat pour la parapharmacie, l’enseigne lance en novembre 1986 une vaste campagne de communication dénonçant les monopoles, préparée avec Philippe Michel de l’agence CLM/ BBDO et pour laquelle elle consacre des moyens considérables. Cette opération de communication - qui porte sur l'ensemble des combats menés alors par le mouvement et donc, pas uniquement sur la parapharmacie - grâce à son ton humoristique et provocant, aura un large retentissement . D’autres campagnes suivront qui contribueront à populariser la démarche de l’enseigne et à libérer la distribution de nouveaux produits. L'enseigne utilisera également son journal "Le parti prix" comme tribune : l'article intitulé "Touche pas à ma pharmacie !" lui vaudra une réponse du conseil de l'Ordre.
L’enseigne compte 91 parapharmacies en 2005 et 155 en 2011, date à laquelle elle détient 22 % des parts du marché du secteur. Pour accéder à ce marché de la parapharmacie, l’enseigne aura donc combiné offensives juridiques et grandes campagnes de communication. Cette stratégie, qui s’est ici révélée efficace, a été systématiquement mise en oeuvre dans d'autres secteurs, devenant constitutif de l’identité de l’enseigne.
(Pour lire la suite, l'histoire de la parapharmacie, partie 2 (1990-2014), cliquez ici.)
« La vente directe au prix de gros des médicaments réduirait notablement le déficit des assurances maladies. Il n’y aurait même plus de difficultés financières dans les caisses. » déclarait Edouard Leclerc au journal La Croix... le 7 décembre 1957 !