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Dans les années 1960, dans un contexte de forte croissance des villes, les supermarchés s’imposent dans le paysage urbain. Symbole de la modernisation du commerce, ils deviennent la cible des petits commerçants qui les accusent d’être responsables de leur déclin.
En 1969, Gérard Nicoud prend la tête de la protestation des petits commerçants et artisans indépendants et crée le Comité de défense et d’information, le Cid (future Confédération Intersyndicale de Défense et d'Union Nationale des Travailleurs Indépendants – Cid-Unati) héritier du mouvement poujadiste des années 1950.
Qu'est-ce que le poujadisme ?
Le poujadisme, né à Saint Céré, en 1953, d'une révolte anti-fiscale était rapidement devenu un mouvement politique national, populiste, anti-parlementariste et antisémite. Il avait obtenu 52 sièges (sur 595) aux élections législatives du 2 janvier 1956. Malgré un succès ponctuel et de courte durée (aucun poujadiste parmi les députés élus en 1962), le nombre important de sièges obtenus dans l'hémicycle en 1956 marquera durablement les partis politiques républicains.
Aussi, en 1969, les hommes au pouvoir se montrent inquiets face à la naissance du Cid-Unati. Ils vont suivre attentivement la façon dont il évolue ensuite.
Qu'est-ce que le Cid-Unati ?
Le Cid-Unati est plus violent et plus radical que la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), autre organe représentatif des petits commerçants. Les actions du Cid-Unati sont souvent spectaculaires, allant de la perturbation de l’inauguration de supermarchés à des grèves de la faim.
Par ailleurs, les autorités municipales s'inquiètent de voir les grandes surfaces défigurer le paysage urbain. Au début des années 1970, les autorités municipales interviennent pour freiner le développement des supermarchés, en refusant des permis de construire par exemple. C’est le cas en 1972, à Flers, où un centre E. Leclerc ouvre, malgré l’interdiction du maire et à Laval où Édouard Leclerc accuse le maire, Robert Buron, d’avoir monnayé la délivrance d’un permis de construire.
Dans ce contexte, émerge la notion d’« urbanisme commercial », qui traduit le souci de l’Etat d’encadrer ce développement. En 1969, les commissions départementales d’urbanisme commercial (CDUC) sont créées pour donner un avis consultatif sur les projets commerciaux de plus de 3000 m2, avis qui précède la délivrance du permis par le maire ou le préfet.
Il faudra cependant attendre décembre 1973 pour que la loi d’orientation du commerce et de l’artisanat, préparée par le ministre du commerce et de l’artisanat Jean Royer, également maire de Tours, soit adoptée par le Parlement. Les intentions sont fixées dès le premier article :
« Les pouvoirs publics veillent à ce que l’essor du commerce et de l’artisanat permette l’expansion de toutes les formes d’entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu’une croissance désordonnées des formes nouvelles de distribution ne provoque l’écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux » (Titre1, chapitre 1, article1, 3ème paragraphe).
Le texte de la loi Royer est assez complexe, multipliant les propositions fiscales, sociales, de formation professionnelle… Il confie aux CDUC la responsabilité de statuer sur les demandes d’autorisation d’ouverture de grands magasins dotés d’une surface de vente de plus de 1500 m2 (pour les communes de plus de 40 000 habitants) et de plus de 1000 m2 (pour les communes de moins de 40 000 habitants), ainsi que sur les agrandissements de plus de 200 m2.
Les CDUC sont composées de 9 élus locaux dont le maire de la commune d’implantation, 9 représentants des activités commerciales et artisanales, et 2 représentants des associations de consommateurs ; elles sont présidées par le préfet qui n’a pas le droit de vote. En cas de refus de la CDUC apposé au projet déposé, un recours est possible auprès du ministre du commerce, qui se prononce après avis de la commission nationale d’urbanisme commerciale (CNUC).
La loi Royer est d’emblée très controversée.
E. Leclerc part aussitôt en guerre contre la loi Royer, guerre qui prend d’abord la forme d’actions violentes. En 1974, à Rochefort, où le centre Leclerc a été agrandi au-delà de la surface autorisée, des scellés posés par les forces de l’ordre sont par trois fois détruits. Lors du procès pour bris de scellés au Tribunal de grande instance de G. Guillet, l’adhérent de la Rochelle, les partisans d’Édouard Leclerc réclament bruyamment sa libération. Ils vont jusqu’à saccager les bureaux du tribunal et de l’hôtel de ville, et à s’opposer violemment aux membres du Cid-Unati, venus manifester.
Mille neuf cent soixante-quatorze est également l’année où Édouard Leclerc publie son premier livre, « ma vie pour un combat » (Editions Belfont), qui est tant une réponse à la loi Royer (il y explique sa lutte contre l’inflation) qu’aux attaques du CID-Unati qui, dans des campagnes d’affichage, prétend révéler le passé collaborationniste d’Édouard Leclerc (un procès en diffamation sera intenté et gagné par ce dernier).
Le président du Mouvement ne cessera ensuite de dénoncer la loi Royer, notamment dans la presse : il l’accuse notamment d’être « génératrice d’inflation, par les rentes de situation qu’elle créée tant au niveau du commerce traditionnel que des grandes surfaces capitalistes » (La Croix, 24 août 1974).
Michel-Édouard Leclerc intervient à plusieurs niveaux pour faire évoluer la législation. D’une part, à partir de 1988, sur son impulsion, le Mouvement fait paraître régulièrement des campagnes de communication provocantes contre la loi Royer. D’autre part, il dénonce les dérives de cette mesure via les médias, lors d’entretiens télévisés notamment (Midi-2 sur Antenne 2 le 14 janvier 1988 ou l’Heure de Vérité, le 22 septembre 1991), mais aussi lors d’une audition par la commission d’enquête sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales, présidée par Pierre Mazeaud où il est seul à briser l’omerta.
Les grandes enseignes vont chercher à contourner la loi. Certaines, comme Intermarché, vont ouvrir plusieurs magasins de 999 m2 les uns à côtés des autres (un supermarché et des grandes surfaces spécialisées). D'autres vont chercher à se développer à l'étranger, comme Carrefour ou Promodès. D'autres vont opter pour la diversification. Enfin, certaines vont choisir la concentration.
Cependant, un bilan effectué en 1993 révèle une efficacité assez mitigée de la loi Royer pour freiner l’implantation de grandes surfaces : en moins de 20 ans, 16 millions de m2 ont été refusés et 23 millions acceptés, sachant que certaines années (1979, 1981, 1993 et 1996), les autorisations ont été gelées en totalité. De plus, le système mis en place par la loi Royer se révèle générateur de corruption, les membres des CDUC finissant par délivrer les autorisations au plus offrant.
La loi Royer subit des amendements mineurs entre 1973 et 1993. Signalons notamment l'amendement introduit par la Loi n° 90-1260 du 31 décembre 1990 d'actualisation de dispositions relatives à l'exercice des professions commerciales et artisanales, qui statue que désormais, le seuil des 1000 m2 au-delà duquel une autorisation est nécessaire pour ouvrir, s'appliquera, non plus à un magasin, mais à un ensemble de magasins.
En s'attaquant aux dérives maintes fois dénoncées de la loi Royer, la Loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, préparée par Michel Sapin et adoptée le 29 janvier 1993, est plus ambitieuse. La loi Sapin modifie la composition des commissions en charge de statuer sur les autorisations d'ouvertures : désormais, elles ne compteront que 9 membres, dont seulement 2 professionnels. De plus, elle confie l’ultime feu vert pour ouvrir un magasin non plus au ministre du commerce, mais à une commission nationale indépendante.
Dans les années 1960, dans un contexte de forte croissance des villes, les supermarchés s’imposent dans le paysage urbain. Symbole de la modernisation du commerce, ils deviennent la cible des petits commerçants qui les accusent d’être responsables de leur déclin.