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Édouard Leclerc a répété au fil de ses interviews que le président de la République Charles de Gaulle lui avait proposé à plusieurs reprises d’être ministre, proposition chaque fois refusée. Il a longtemps affirmé ne pas vouloir du pouvoir politique, arguant « être plus utile à tout le monde en dehors du pouvoir ».
Pourtant, il a été candidat à quatre reprises : aux élections législatives dans la circonscription de Brest en 1967, 1973 et 1977, ainsi qu’aux élections présidentielles de 1988. Il n’est pas toujours allé au bout de l’aventure et quand il a affronté les urnes, il a rassemblé peu de suffrages – 2800 voix en en 1967 par exemple.
Pourquoi cette démarche – faire acte de candidature – et comment s’articule-t-elle avec la fonction d’animateur des centres E. Leclerc ? Quels valeurs et programmes défendait-il à l’occasion de ces élections ?
Dans un entretien avec P. Degraupes (Le Point du 23 septembre 1974), Édouard Leclerc, alors âgé de presque 50 ans, revient sur les principes et valeurs léguées par ses parents. Le catholicisme, trait saillant de l’identité finistérienne, occupe une place centrale dans la vie de la famille Leclerc. De lui, dérive une conception du monde dans laquelle la richesse doit provenir du travail et dans laquelle la famille constitue la cellule centrale de la société.
Politiquement, cela se traduit par un fort anticommunisme - qui marquera longtemps Édouard Leclerc - mais aussi par un rejet du capitalisme et de la spéculation. La fidélité d’Édouard Leclerc à ces valeurs est constante tout au long de sa vie, dans son discours, mais aussi dans l’organisation du groupe Leclerc (rôle central de l’entrepreneur dans l’architecture du groupe…). Fervent partisan de la libre entreprise et du libéralisme, il se prononce toujours pour la défense du pouvoir d’achat.
Le père d’Édouard, Eugène Leclerc, avait lui-même été une personnalité politique locale à Landerneau. Il avait rejoint le Parti social français (PSF), fondé par le Colonel François de La Roque, après la dissolution des Croix-de-Feu en 1936 par le Front populaire. Il en était le représentant régional. Le PSF, qui devait devenir le premier grand parti de masse français de droite et dont la devise était « l'ordre par la famille et le travail pour la patrie », plaçait au cœur de son programme la famille, le travail et la réforme du capitalisme. Contrairement à son père, Édouard Leclerc a toujours revendiqué son indépendance par rapport aux partis existants et est allé jusqu’à créer son propre parti, le Mouvement européen économique et social, le MESS en 1977. Il ne cachait jamais cependant pas son admiration et les bonnes relations qu’il entretenait avec le général de Gaulle, mais ne s’est jamais présenté sous l’étiquette gaulliste. Son héritage familial le place cependant plutôt à droite sur l’échiquier politique.
Pour chacune de ses campagnes, Édouard Leclerc imprime des tracts ou circulaires, en tirage important (50 000 pour les législatives de 1967) et les distribue aux clients de ses centres. En 1972, quand il projette de fonder un parti, c’est seulement après avis favorable de la commission nationale, la structure dirigeante de l’Acdlec. Au cours de la campagne de 1973, il explique que ce sont ses propres équipes du réseau Leclerc qui distribuent tracts et affiches. Le parti qui ne verra le jour qu’en 1977 et qui prendra le nom de Mouvement européen économique et social (MEES), sera domicilié au siège de l’Acdlec.
Enfin, pendant la campagne des présidentielles de 1988, il fait appel aux adhérents Leclerc pour récolter les 500 signatures requises… On le voit : les campagnes électorales sont inextricablement liées au Mouvement Leclerc et on est tenté de penser que son fondateur les envisageait comme une occasion de faire de la publicité pour son groupe. C’est certainement vrai en partie. Revenant en avril 1970 sur sa candidature de 1967, Édouard Leclerc explique qu’elle lui a servi à faire pression sur le préfet pour obtenir le permis de construire nécessaire à l’ouverture de son premier hypermarché de 400 m2.
Les campagnes étaient aussi et surtout pour lui une tribune. Une tribune pour donner son point de vue sur des affaires politico-financières (l’affaire Aranda) ou sur des mesures (la loi Royer à partir de 1974) influant directement sur son groupement. Sur le plan local, son acte de candidature s’explique aussi par un attachement à la région brestoise et une volonté de peser dans les orientations de développement, comme la question de l’implantation d’une raffinerie au début des années 1970.
Mais surtout une tribune lui permettant de livrer ses positions et de préconiser certaines mesures, toujours hétéroclites, parfois farfelues ou visionnaires, afin de tenter d’influencer le débat public, local ou national.
Édouard Leclerc a surtout saisi l’opportunité des campagnes pour participer aux débats publics et faire entendre ses propositions. À deux reprises, lors des campagnes pour les élections législatives de 1977 et pour les présidentielles de 1988, il a détaillé les mesures qu’il souhaitait voir mettre en œuvre.
Les propositions du candidat Leclerc sont relativement hétéroclites. Des orientations contenues dans les statuts du MEES, on retiendra plus précisément, l’engagement pro-européen (art. 1), le souci de « favoriser le développement harmonieux de la cellule familiale, base de toute société » (art. 5) et de protéger l’environnement (art.12, 13 et 14). Le programme sur lequel s’adosse sa candidature aux élections présidentielles de 1988 est bien plus détaillé et constitue une bonne synthèse de diverses mesures antérieurement mises en avant. Il propose notamment de porter la participation des salariés aux bénéfices de leur entreprise à 25%. Face aux 3 millions de chômeurs, il défend la mise en place de la TVA sociale (projet qui anime les débats en 2012 !). S’il voit juste sur ce point, il se montre nettement moins visionnaire sur les questions internationales et prédit une troisième guerre mondiale imminente et défend une Europe des nations, celle des « Etats-Unis d’Europe » du général de Gaulle.
Défenseur habile des intérêts de son Mouvement ? Homme aux idées prolifiques soucieux d’influencer les débats de son temps ? Édouard Leclerc, qui ne se prenait pas trop au sérieux quand il s’invitait dans les campagnes électorales, était sans doute un peu les deux.
Édouard Leclerc a répété au fil de ses interviews que le président de la République Charles de Gaulle lui avait proposé à plusieurs reprises d’être ministre, proposition chaque fois refusée. Il a longtemps affirmé ne pas vouloir du pouvoir politique, arguant « être plus utile à tout le monde en dehors du pouvoir ».