Portraits et témoignages

Portrait d'Hélène Leclerc

     Le rôle joué par Hélène Leclerc dans le développement du Mouvement E. Leclerc, malgré une reconnaissance tardive par le magazine LSA en décembre 2012, est rarement mis en lumière. D’un tempérament discret mais déterminé, elle a évolué dans l’ombre du médiatique et visionnaire Édouard Leclerc. Pourtant, à une époque où les épouses des personnalités se contentaient souvent d’être « femme de », Hélène Leclerc a été bien plus que cela.

    D’une part, elle n’a pas évolué dans l’ombre de son mari mais à ses côtés : d’après leurs proches, les deux personnalités se complétaient pour former un couple équilibré, Hélène tempérant, avec son pragmatisme, le caractère foisonnant d’Édouard… Rappelons que c’est le couple - et non Édouard Leclerc seul - qui a lancé et fait fonctionner le premier centre distributeur, à Landerneau !

     D’autre part, à partir des années 1960, Hélène Leclerc s’est consacrée, par passion et conviction, à la branche Textiles du Mouvement E. Leclerc. Elle a fait ses armes en tenant un centre distributeur Textiles à Landerneau avant de s’imposer progressivement comme une contributrice de premier plan au développement de la branche Textiles du Mouvement. Elle a en effet travaillé à l’approvisionnant du Mouvement (en France d’abord, puis à l’étranger) avant de lancer la marque Tissaïa en 1990.

    Femme d’affaires redoutable lorsqu’elle négociait avec les fournisseurs, femme visionnaire lorsqu’elle adaptait le Mouvement aux nouvelles contraintes nées de la mondialisation.

Origine et enfance (1927-1949)

     Née à Landerneau (Finistère) le 22 juillet 1927, Hélène est la fille de Pierre-Jean et Yvonne Diquélou. Ses parents tinrent ensemble un commerce de chaussures à Brest avant de revenir à Landerneau où Pierre Diquélou devint photographe, sa femme travaillant à ses côtés.

    Hélène grandit dans un foyer catholique – comme la très grande majorité des foyers l’était alors en Bretagne. Sensibilisée par ses parents dès son plus jeune âge à la peinture et à la musique, elle commence le violon à l’âge de six ans. Entourée de ses deux grands frères et de ses parents, Hélène grandit dans un environnement qu’elle qualifie elle-même d’heureux. Elle restera d’ailleurs marquée à vie par l’harmonie qui règne dans le couple que forment ses parents. Adolescente, elle obtient le baccalauréat philosophie, puis travaille son chant (Fauré, Debussy, Ravel, Poulenc…) et envisage un temps une carrière musical.

 

Un jeune couple de commerçants aux idées innovantes (1950-1960)

 

  • Les « retrouvailles » avec Édouard Leclerc

     Hélène Diquélou et Édouard Leclerc se sont connus à la maternelle où ils formaient un trio avec l’un de ses cousins. Ils se sont ensuite perdus de vue et, par hasard, se croisent à nouveau, un jour de décembre 1949. Hélène Leclerc raconte ainsi leurs retrouvailles : « Un jour, le hasard - il y avait une voiture qui faisait une manœuvre et on ne pouvait pas traverser la rue - nous a fait nous rencontrer dans une petite rue à Landerneau et nous a obligés à rester sous un porche… (…). Alors qu’on était obligés de patienter, on s’est reconnus : « Hélène Diquélou ? » « Édouard Leclerc ? » ; « Oui ! », «  Oui ! ». Et on s’est mis à bavarder : « Qu’est-ce que vous devenez ? » etc.. Et là, il m’a expliqué qu’il venait de louer un camion et une espèce de hangar, qu’il avait acheté des biscuits qu’il voulait vendre moins chers etc. »  (Entretien avec H. Leclerc, le 4 décembre 2011).

    Édouard Leclerc vient en effet alors de s’installer comme grossiste. Disposant de moyens très limités, il a loué un petit hangar au 1 rue de la libération à Landerneau et une camionnette dans laquelle il arpente les routes de Bretagne : il achète biscuits et bonbons à des fabricants - qui sont au départ, des relations de son père – qu’il revend ensuite à des communautés religieuses, des écoles, des gendarmeries, des familles nombreuses et des petits épiciers-détaillants de la région. Il a déjà l’idée de développer la vente au détail à prix de gros, innovation qu’il compte développer à partir de son commerce de gros.

 

  • Le lancement du « centre distributeur de produits alimentaires »

     Hélène et Édouard Leclerc se marient le 21 octobre 1950. A partir de là, le couple travaille main dans la main : ils parcourent ensemble les routes pour acheter en gros biscuiterie, confiserie et épicerie. Dans la petite maison de la rue des Capucins que leur louent les parents d’Édouard, ils mettent en bocal les confitures, en bouteille les huiles, dans des sacs la farine et le sucre, etc., puis repartent sur les routes pour effectuer les livraisons.

     Fin 1951, Hélène Leclerc attend son premier enfant. Comme les routes caillouteuses deviennent dangereuses pour elle, le couple décide qu’Hélène restera à la maison où elle conditionnera la marchandise et la vendra au détail, aux connaissances et voisins intéressés. Là où le jeune couple innove, c’est en décidant d’appliquer les prix de gros à la vente au détail. L’assortiment proposé est alors aléatoire car dépendant des fabricants qui acceptent de travailler avec les Leclerc et de leur stock respectif. 

     Peu à peu, l’offre se diversifie, tout en restant cantonnée à l’épicerie. Les clients sont de plus en plus nombreux, attirés par des prix défiant toute concurrence, relayés par un bouche-à-oreille efficace. Face à ce succès inattendu, le couple se répartit les tâches : Hélène prend en charge la vente au détail et la comptabilité tandis qu’Édouard parcourt les routes, s’approvisionnant chez des fabricants et poursuivant la vente en gros.

 

  • Les débuts de la réussite

    Bientôt, le couple doit embaucher : les Établissements E. Leclerc comptent trois employés à la fin de 1955, neuf à la fin de 1957, seize en 1958 (dont 7 pendant les douze mois de l’année). Ce recrutement important témoigne de la prospérité des Établissements Leclerc car en 1958, seuls 10% des établissements comptent plus de 5 salariés. En 1956, le couple fait l’acquisition d’une maison rue Bélérit. Édouard Leclerc construit un hangar entre la maison de la rue des Capucins et la maison acquise dans lequel il transfert son espace de vente qu’il nomme « centre distributeur de produits alimentaires ».  Il y vend désormais, en plus de l’épicerie, des produits d’entretien et d’hygiène élémentaires.

    Simultanément, E. Leclerc, qui a fait de son succès une nouvelle formule de vente, fait des émules : des centres distributeurs tenus par d’autres indépendants ouvrent en Bretagne.

    En 1958, sollicité par deux ingénieurs de Grenoble, Édouard Leclerc décide d’y ouvrir un centre distributeur. Hélène Leclerc se rendra là-bas afin d’y tenir la comptabilité une fois par mois, pendant quatre années consécutives – le magasin est vendu aux Établissements Ferrero le 1er octobre 1962 mais demeure sous l’enseigne E. Leclerc.

    Quand le premier centre distributeur ouvre en région parisienne, à Issy-les-Moulineaux, en novembre 1959, Édouard Leclerc et sa formule de vente deviennent la coqueluche des médias.  Des centres distributeurs ouvrent dans d’autres régions françaises. Dans les très nombreuses interviews qu’il accorde alors, Édouard Leclerc, mettant en avant sa propre expérience, explique combien il est important qu’un centre distributeur soit tenu par un couple.

    Au cours de cette décennie, Hélène et Édouard Leclerc ont trois enfants : Michel, né en 1952, Hélène en 1953 et Isabelle en 1957.

 

Le centre distributeur Textiles de la rue Saint Thomas à Landerneau (1960-1969)

«  Le textile, j’y suis allée par passion et par conviction » (Hélène Leclerc, LSA, décembre 2012)

     En 1959, après l’alimentaire, Édouard Leclerc décide d’appliquer sa formule de vente aux textiles, secteur dans lequel les prix sont très élevés. Le premier centre distributeur Textiles est ouvert à Brest, rue Branda, le 23 juin 1959, par un ancien grossiste, M. Le Gall. La conversion des établissements Le Gall en centre distributeur Textiles est une réussite : leur chiffre d’affaires est multiplié par quatre en seulement un mois. Ce succès encourage les conversions : fin 1960, sur les 90 centres distributeurs environ en activité, 25 vendent du textile (soit, plus du quart). Par ailleurs, le phénomène est d’abord quasi-exclusivement cantonné au Finistère où 13 d’entre eux sont situés.

    C’est dans ce contexte de forte croissance de la branche Textiles du Mouvement E. Leclerc que, le 2 novembre 1960, Hélène Leclerc va reprendre la direction, abandonnée par M. et Mme Boulch, du centre distributeur Textiles de Landerneau, situé au 9 rue Saint Thomas. Comme au début du centre distributeur  de produits alimentaires en 1949, Hélène Leclerc commence en vendant des produits de base : collants, sous-vêtements, draps… Là, elle découvre les règles propres qui régissent une affaire de textiles - une rotation des stocks bien plus lente que dans un commerce alimentaire, la difficulté à gérer la saisonnalité…  - et se fait donc aider, pour apprendre le métier, par Éliane Saliou, adhérente Textiles à Brest, et avec elle, élargit petit à petit son offre aux belles marques françaises. Rue Saint Thomas, le couple Leclerc expérimente une sorte de complexe commercial, avec les ouvertures successives, dans un même espace, de stands chaussures, confection, alimentaire…

    Tout au long des années 1960, les centres distributeurs Textiles se développent parallèlement et indépendamment des centres alimentaires.  Là où ses derniers se structurent en centrales régionales, les centres Textiles échouent à s’organiser. Ils effectuent leurs achats individuellement ou, au mieux, à deux ou trois : Mme Le Guen, adhérente Textiles de Morlaix et amie d’Hélène Leclerc, se souvient de leurs séjours à Paris pendant lesquels elles allaient ensemble s’approvisionner dans le Sentier. Fin 1969, au lendemain de la scission, tous les centres Textiles choisissent de rester sous l’enseigne Leclerc. Sans doute Jean-Pierre Le Roch, qui cherchait à généraliser le supermarché, ne croyait-il pas et ne souhaitait-il pas leur développement. Édouard Leclerc, au contraire, refusait de standardiser le Mouvement et croyait en la diversité des natures et formats de centres Leclerc. Aussi, les centres vêtements n’ont vraisemblablement pas été un enjeu lors de la scission.

    Les années 1960 sont, pour Hélène Leclerc, synonymes de découverte et d’acquisition d’une expertise dans un secteur nouveau pour elle.

 

Le textile (suite) : des responsabilités aux niveaux régional et national (1969-1991)

 

  • Apparition et développement  du rayon Textiles dans les supermarchés

     Les supermarchés E. Leclerc se développent considérablement à la fin des années 1960. L’agrandissement des surfaces permet notamment de diversifier l’offre alimentaire, à la boucherie et à la charcuterie en particulier, mais aussi de développer le Rayon bazar, où les premiers articles Textiles font leur apparition. Simultanément, les groupes de travail (GT) Bazar des centrales régionales et du Galec, la centrale d’achat  nationale du Mouvement vont chercher à développer l’offre Textiles des supermarchés. Hélène Leclerc va alors prendre en charge l’achat de textiles au sein de la Scarmor, centrale régionale collective bretonne créée fin 1968, épaulée par Yvette Le Guil, Marie-Christine Polard puis Chantal Bordais. Au Galec, en tant que co-responsable avec M. Jacolot, du GT 6, le groupe de travail entièrement dédié au textile créé en 1970, elle négocie les conditions d’achat avec les représentants de maisons renommées.  Là, elle essuie régulièrement des refus de vente. Avec le développement des hypermarchés, le GT 6 se développe considérablement. Encore longtemps après son départ, les réunions consacrées au textile sont affectueusement surnommées par plusieurs adhérents « les réunions de madame Leclerc ».

    A partir de 1982, sur l’impulsion de François-Paul Bordais, le groupe décide  de mettre en place une filière d’importation pour le textile et le Mouvement ouvre un bureau à Hong-Kong. Hélène Leclerc, avec d’autres adhérents, se rendra deux fois par an en Asie pour sélectionner les articles.

 

  • La création de Tissaïa (1990)

     A la fin des années 1980, face aux éternelles difficultés rencontrées avec les fabricants et constatant qu’il n’existait pas de marque milieu de gamme, Hélène Leclerc décide, avec quelques autres adhérents de créer une marque. Il est décidé que la marque sera indépendante et baptisée Tissaïa et sera « la marque fière d’être vendue dans les centres Leclerc ». « Je voulais faire des collections pour les jeunes femmes élégantes, facile à porter, pas trop cher » explique Hélène Leclerc. Ce ne sont pas les autres enseignes de la grande distribution que Tissaïa cherche à concurrencer, mais les marques de vêtements. Elle travaille donc avec un cabinet de style, démarche alors innovante dans la grande distribution. Tissaïa connaîtra un quelques succès mais sera critiquée par certains adhérents, lui reprochant un positionnement trop haut de gamme et pas suffisamment bon marché.

 

Retraite

     Hélène Leclerc prend sa retraite en 1997 à l’âge de 70 ans. Elle se consacre alors à son époux, à l’entretien de son jardin et aux voyages touristiques. À la fin des années 2000, elle suit de près la mise en place du Fonds Hélène et Édouard Leclerc pour la culture, inauguré à l’automne 2011. Ce dernier, qui a pris place dans le couvent des Capucins à Landerneau où Édouard Leclerc avait ouvert son premier supermarché, accueille des manifestations d’art contemporain de très grande ampleur.

    Le regard que porte Hélène Leclerc elle-même sur ce parcours riche et varié est d’une modestie sidérante :

    « Je ne me souviens plus en quelle année nous avons été reçus par le général de Gaulle à l’Élysée…  Nous étions un petit couple, pas vraiment brillant… Mais les gens avaient de la sympathie pour nous. Édouard et moi n’avons jamais joué les gens importants, nous sommes restés simples. »

Portraits et témoignages

Portrait d'Hélène Leclerc

     Le rôle joué par Hélène Leclerc dans le développement du Mouvement E. Leclerc, malgré une reconnaissance tardive par le magazine LSA en décembre 2012, est rarement mis en lumière. D’un tempérament discret mais déterminé, elle a évolué dans l’ombre du médiatique et visionnaire Édouard Leclerc. Pourtant, à une époque où les épouses des personnalités se contentaient souvent d’être « femme de », Hélène Leclerc a été bien plus que cela.     D’une part, elle n’a pas évolué dans l’ombre de son mari mais à ses côtés : d’après leurs proches, les deux personnalités se complétaient pour former un couple équilibré, Hélène tempérant, avec son pragmatisme, le caractère foisonnant d’Édouard… Rappelons que c’est le couple - et non Édouard Leclerc seul - qui a lancé et fait fonctionner le premier centre distributeur, à Landerneau !      D’autre part, à partir des années 1960, Hélène Leclerc s’est consacrée, par passion et conviction, à la branche Textiles du Mouvement E. Leclerc. Elle a fait ses armes en tenant un centre distributeur Textiles à Landerneau avant de s’imposer progressivement comme une contributrice de premier plan au développement de la branche Textiles du Mouvement. Elle a en effet travaillé à l’approvisionnant du Mouvement (en France d’abord, puis à l’étranger) avant de lancer la marque Tissaïa en 1990.     Femme d’affaires redoutable lorsqu’elle négociait avec les fournisseurs, femme visionnaire lorsqu’elle adaptait le Mouvement aux nouvelles contraintes nées de la mondialisation.

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Edouard Leclerc ouvre son 1er magasin à Landerneau, en Bretagne, avec la volonté de faire baisser les prix pour le consommateur.

Cette aventure humaine est très vite devenue collective formant aujourd'hui une coopérative d'adhérents indépendants, propriétaires de leurs magasins.